Un des aspects impressionnants de la Parole de Dieu, qui est vivante, est qu’on peut revenir sans cesse sur les mêmes textes et les redécouvrir à chaque fois. Cette redécouverte peut être favorisée par des circonstances. Il se trouve que ce dimanche, avant cette messe radiodiffusée, j’ai eu la joie de célébrer avec des prisonniers (samedi après-midi). Eh bien les commandements dont nous parle le Deutéronome et le commandement de l’amour repris par Jésus prennent une coloration particulière.
Notre relation avec notre prochain transformée par l’amour de Dieu ?
Nous voyons d’abord Moïse qui donne les commandements au peuple avec lequel Dieu conclut une alliance. Dieu dit au peuple « Je veux être avec vous », et dit au peuple comment il peut répondre s’il veut être avec Dieu. Le point de départ de la réponse du peuple élu réside dans son amour pour Dieu : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Deutéronome 6,5). Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus ajoute le commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Marc 12,31). Prier avec des prisonniers met en relief une question : est-ce que Dieu change quelque chose dans notre amour mutuel ? Aime-t-on son prochain de la même manière suivant que l’on aime Dieu ou non ? Notre relation avec notre prochain peut-elle être renouvelée, ou transformée, par l’amour de Dieu ?
Quand on regarde ce que Dieu fait pour nous, notre regard sur nous-mêmes et notre prochain en est renouvelé. On connaît refrain du récit de la création (en Genèse 1) : « Et Dieu vit que cela était bon ». Certes la Bible nous montre aussi que nous nous détournons, à plusieurs reprises, mais à chaque fois Dieu repropose son alliance, son amour. Au bout du compte le Fils de Dieu se fait homme, donne sa vie pour nous dans la mort et la résurrection. Regardons ainsi Dieu qui nous aime, et regardons notre prochain à la lumière de cet amour de Dieu.
Le prochain : quelqu’un pour qui le Fils de Dieu a donné sa vie
Dieu ne nie pas le mal, il ne prétend pas que nos actions soient sans conséquences, parfois graves, sinon le commandement de l’amour du prochain serait dénué de sens. Il prend le mal au sérieux et il vient y remédier en donnant sa vie pour chaque personne. Ainsi lorsque nous regardons la personne en face de nous – notre prochain – nous voyons quelqu’un pour qui le Fils de Dieu a donné sa vie. Quoi que nous pensions de cette personne, si nous pensons au prix auquel Dieu l’estime, nous revoyons notre jugement insuffisamment fondé…
Voilà le lien entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain : comment pourrais-je ne pas aimer une personne que Dieu aime, alors que Dieu connaît cette personne et moi infiniment mieux que moi-même ? On dit de Michel Ange qu’il avait vu la statue (de la Pietà) dans le bloc de marbre. Dieu voit le trésor dans des personnes qui nous semblent de pierres : suivons son regard ! Et Dieu ne se contente pas d’aimer notre prochain : le Fils de Dieu donne sa vie. En n’aimant pas notre prochain nous suggérons au Christ que cette personne ne valait pas la peine d’une mort sur la croix.
« Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Mt 5,46). Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour aimer, heureusement ! Mais notre foi en un Dieu fait homme qui meurt par amour même de ses ennemis, ça change nos relations ! Et ça change tellement nos relations que nous avons envie d’étendre ce changement en partageant notre foi.
Mgr Charles Morerod – Église Saint-Joseph, Lausanne