Mes chers amis, nous sommes le 1er dimanche de Carême, qui est un temps très spécial et privilégié. Normalement, ce dimanche, l’accent est posé sur le combat de Jésus avec le diable dans le désert. Mais dans l’année liturgique « B » où nous sommes cette année, nous lisons l’évangile selon Saint Marc où d’abord, ce combat contre Satan est réduit en une seule phrase, et en plus ce combat est placé, non pas comme unique sujet, mais une chose parmi d’autres. Jésus a déjà vaincu Satan et le mal, et il nous révèle une autre réalité dans laquelle il nous invite à entrer et y vivre.
Nous lisons dans l’Evangile d’aujourd’hui : « Et il était dans le désert durant quarante jours, tenté par Satan. Et il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient ». (Mc 1, 13). Il peut nous semble bizarre que dans le désert, Jésus vivait avec des bêtes sauvages... car normalement dans le désert il y a très peu d’animaux, si non – rien du tout. Mais en parlant de cette façon de la parole de Dieu, il veut nous conduire vers un autre horizon.
Quand est-ce qu’était le temps où l’homme vivait avec les bêtes sauvages dans une harmonie parfaite et les anges qui le servaient ? C’est une vision prise directement du récit du paradis. Nous le savons bien que la révolte des hommes contre Dieu a détruit cet équilibre parfait de la création entre l’homme et la nature, et entre l’homme et l’homme. Et les conflits, les invasions, les guerres, la haine, la peur, la terreur, la méfiance, l’incertitude de l’existence et enfin la mort. Tout cela, ce sont des conséquences dramatiques de ce péché originel que nous expérimentons chaque jour. La rupture de notre alliance avec Dieu nous a apporté un grand malheur. Jésus, donc, vient pour restaurer cet équilibre. Comme nous a dit le prophète Isaïe : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. (...) Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. » (Is 11, 6.9)
Voilà le premier magnifique message pour nous, pour ce début de carême : Jésus vient combattre le mal en nous, vient restaurer l’équilibre dans nos vies, dans ma vie, dans ta vie ! Si tu te trouves comme un bateau sans gouvernail jeté par les vagues de droite à gauche, de là-haut vers les abimes.... Voilà un moment pour toi ! Voilà la main du secours que Dieu te tend maintenant. « Les temps sont accomplis ! » N’attends plus ! Commence avec Jésus et les anges seront à ton service pour te soutenir dans cette décision bénéfique ! Dieu veut installer la PAIX dans ton cœur !
Un autre moment très intéressant et touchant dans l’Evangile d’aujourd’hui, c’est le désert. Nous lisons : « Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, » (Mc 1, 12). Pourquoi le désert ? Pourquoi c’est toujours le désert ? Ce lieu aride, sec, sans vie où il est très difficile d’y vivre, et même d’y survivre tout court ? Ce lieu où vivre longtemps est possible uniquement avec un soutien permanent de quelqu’un, mais tout seul, impossible à long terme...
Mais nous le savons bien qu’il y avait déjà dans l’histoire du salut, un moment où une nation a vécu 40 ans au désert, n’est-ce pas ? Le moment quand Israël est sorti de l’esclavage d’Égypte et conduit par Dieu au désert. Le moment pendant lequel Israël a appris à connaître Dieu, à l’aimer, à le suivre, à vivre avec Lui. Le moment privilégié comme des fiançailles, comme un mariage où Israël ne connaît pas encore les dieux étrangers, comme une épouse qui ne connaît que son mari et comme un époux qui ne connaît que son épouse... comme un moment du premier amour où l’un et l’autre se murmurent des paroles d’amour dans leurs cœurs pour la première fois, le moment où ils sont tous seuls en tête à tête... Le Prophète Osée nous parle très fort et à la façon magnifique de ce sujet : « C’est pourquoi je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur. Et là, je lui rendrai ses vignobles, et je ferai du Val d’Akor la porte de l’Espérance. Là, elle me répondra comme au temps de sa jeunesse, au jour où elle est sortie du pays d’Égypte. En ce jour-là – oracle du Seigneur –, voici ce qui arrivera : Tu m’appelleras : « Mon époux » et non plus : « Mon Baal » (c’est-à-dire « mon maître »). J’éloignerai de ses lèvres les noms des Baals, on ne prononcera plus leurs noms. » (Os 2, 16-19) Le prophète utilise ici le mot « séduire » dans son sens fort : « quelqu’un qui détourne son partenaire du chemin qu’il aurait dû suivre ». Dieu veut nous détourner complètement de nos chemins qui ne sont pas bons ! Comme un amoureux veut (n’ayons pas peur d’utiliser ici ce mot) « draguer » l’autre à tout prix pour être avec lui, même si l’autre ne veut pas pour l’instant. Comme si tu pensais passer ton chemin, mais moi je veux que tu marches avec moi car je t’aime, je suis fou de toi et je veux faire tout ce qu’il est possible pour te faire changer d’avis !
Voilà pourquoi je veux t’emmener au désert, où tu te souviendras des premiers moments de notre amour. Les moments où notre alliance a commencé pour que tu puisses revenir vers moi. Car je veux que notre relation change et s’approfondisse. Qu’elle devienne beaucoup plus profonde et intense, beaucoup plus intime. Voilà pourquoi je ne veux plus que tu m’appelle mon maître (baal), mais je veux que tu m’appelle mon époux, mon bienaimé ! Je ne veux plus que nous ayons une relation superficielle de subordination, mais que nous soyons beaucoup plus proches et que notre relation soit plus intime comme une relation conjugale !
Mais attention : je parle de la relation entre Dieu et nous, en utilisant les exemples de la vie humaine et pas à l’envers ! C’est de la relation profonde et intime avec Dieu que notre équilibre personnel sera établi, ensuite ce bonheur doucement influencera nos relations avec les autres... Jamais à l’envers !
Dieu nous invite dans ce temps de Carême à sortir en dehors de notre monde personnel, en dehors de ce monde avec son bruit et ses « baals » (maîtres), en dehors de toutes les choses qui bourdonnent dans la communication entre Dieu et nous, et nous empêchent d’entendre les paroles d’amour de notre Dieu !
Il faut dire encore une chose : dans notre effort de Carême, il y a un grand danger. Il ne suffit pas de décider de se priver de quelque chose : manger moins, boire moins, moins regarder la télé, moins surfer sur internet, utiliser moins le téléphone portable, moins jouer sur la console des jeux etc.… non ça ne suffit pas ! La nature ne supporte pas le vide ! Il est absolument indispensable de récompenser ce manque créé par notre abstinence par la relation avec Dieu ! Prier plus souvent ou plus régulièrement. Lire les Evangiles, les Actes des apôtres, les Psaumes. Passant à côté d’une église, y entrer pour prier quelques minutes et lire un ou deux chapitres de l’Evangile, rester devant le Saint Sacrement.... Sinon, au lieu de retrouver notre tête à tête avec Dieu, on aura uniquement un tête à tête avec notre orgueil et notre amour-propre toujours malade et insatiable d’auto-adoration.
Dieu nous aime, son amour est plus fort que tout ! Nos péchés n’ont pas réussi à le changer ! Son amour se rafraîchit pour nous chaque jour ! Et chaque jour il nous appelle : reviens vers moi ! Reviens et tu trouveras la Paix, la sérénité, la sécurité, la liberté, la joie comme autrefois au jour de ton premier amour.
Bonnes retrouvailles avec Jésus au désert ! Bon carême à tous !
Père Robert